Recevoir un Nobel de littérature est indéniablement la consécration ultime pour tout écrivain. Et pour chaque pays et chaque langue, il existe autant de prix prestigieux : le prix Cervantès, le prix Pulitzer, le prix David Cohen. En France, il y en a plusieurs comme le prix Femina, le prix Médicis ou encore celui de l'Académie Française. Cependant, celui qui a la primauté sur tous est le prix Goncourt. En effet, c'est non seulement le premier, mais aussi le plus renommé de tous.
À l'origine du prix : les frères Goncourt
Le Goncourt tire son nom de ses deux fondateurs : Edmond et Jules Goncourt. Les deux frères étaient eux-mêmes des auteurs et critiques littéraires à succès du 19e siècle. C'est par testament qu'ils consacrèrent la totalité de leur fortune à la création de l'Académie Goncourt. Avec pour mission de décerner un prix pour le meilleur ouvrage paru au cours de l'année. Grâce à la fortune des Goncourt, le prix se montait à l'origine à 5000 francs or, soit l'équivalent de 1,8 million d'euros actuel. Malheureusement, avec le temps, les fonds s'épuisèrent et aujourd'hui le lauréat se contente d'un chèque symbolique de... 10 euros. Mais le prestige qui lui est lié demeure, il faut dire que l'institution a plus de 120 ans d'ancienneté. L'attribution du Goncourt est chaque année un événement majeur très attendu par le monde littéraire.
Le vainqueur est choisi par les 10 membres de l'Académie Goncourt. Le jury se réunit régulièrement pour sélectionner les candidats, ces réunions ont lieu tous les premiers mardis du mois et toujours au même endroit : le restaurant Drouant, situé dans le 2e arrondissement de Paris, l'un des établissements les plus anciens et emblématiques de la capitale.
Le lauréat du prix Goncourt est annoncé au début du mois de novembre. À cette occasion, un parterre de journalistes est souvent massé devant le restaurant dans l'attente du nom du vainqueur, ce qui montre l'engouement que suscite le prix. En plus du meilleur roman de l'année, le Goncourt, c'est aussi d'autres catégories primées. Citons le prix Goncourt de la poésie, celui du premier roman, de la meilleure biographie... Plus récemment a été créé le prix Goncourt des lycéens, seul prix Goncourt qui n'est pas décerné par l'Académie Goncourt. À la place, ce sont 2000 lycéens français qui décernent le titre de Meilleur ouvrage de l'année parmi les candidatures sélectionnées par l'Académie.
Alors, quel intérêt à gagner le Goncourt ?
Comme on a pu le voir, avec le temps, l'intérêt pécuniaire pour le prix Goncourt est devenu assez anecdotique. Du moins, si l'on tient compte uniquement du montant du prix. Car pour ce qui est des gains financiers indirects, c'est une autre histoire. Le gagnant du Goncourt bénéficie d'une renommée certaine grâce à la reconnaissance que lui apporte la récompense. Il devient une célébrité auprès des critiques, mais aussi du grand public. Un coup de projecteur qui influence fortement la réception du livre et booste instantanément les ventes.
En moyenne, un ouvrage primé par le Goncourt est édité au minimum à 200.000 exemplaires. Ce qui représente une rentrée d'argent substantielle pour le gagnant. De nombreux auteurs ont vu leurs ventes exploser une fois que leur livre estampillé « Gagnant du prix Goncourt ». La meilleure performance revient à l'écrivaine Marguerite Duras qui a vu son roman "L'Amant" se vendre à plus de 1,63 millions d'exemplaires après avoir reçu le Goncourt en 1984. Avec le temps, le prix est devenu la garantie d'un succès commercial certain pour son lauréat. Ce qui ne fait qu'alimenter la convoitise pour cette récompense non seulement par les auteurs, mais aussi par les éditeurs.
Quelques faits marquants dans l'histoire du Goncourt
Au cours de sa longue histoire de plus d'un siècle, le prix Goncourt a été le théâtre de nombreuses anecdotes, certaines cocasses, d'autres plus controversées. Par exemple, parmi les règlements il est clairement dit qu'une personne ne peut remporter le Goncourt qu'une seule fois. Un auteur a pourtant réussi à outrepasser cette règle : Romain Gary. Après avoir gagné une première fois en 1957 avec son roman "Les Racines du Ciel", il a de nouveau été lauréat pour "La Vie devant soi" en 1975. Son astuce est simple : il a utilisé un pseudonyme, celui d'Émile Ajar. La vérité ne sera découverte qu'après sa mort et le nom d'Émile Ajar figure toujours dans le panthéon des gagnants du Goncourt.
Autre événement marquant : en 1941, le gouvernement français retoquera le choix de l'Académie, "Quand vient la fin" de Raymond Guérin. Le motif étant que l'ouvrage était trop démoralisant. Ce sera l'unique intervention politique dans l'histoire du prix. Il faut aussi savoir que le Goncourt se destinait à ses débuts exclusivement à un auteur masculin. Une position qui n'a pas manqué de faire réagir les féministes à l'époque. Ce qui a poussé à la création du prix "Vie heureuse" en 1904, pour récompenser annuellement une autrice. Le prix évoluera plus tard pour devenir le prix Femina, lui aussi l'un des plus prestigieux en France. Il est décerné aussi bien aux femmes qu'aux hommes, avec pour particularité que le jury est entièrement féminin.
Le prix Femina n'est pas le seul à entretenir des liens étroits avec le Goncourt. Impossible d'évoquer cette récompense sans parler du prix Renaudot. Ce dernier est devenu au fil des années une deuxième place officieuse du prix Goncourt. Enfin, pour comprendre l'importance du prix Goncourt pour la littérature française, il suffit de regarder la liste des lauréats. Plusieurs grands auteurs français ont été révélés par le Goncourt et lui doivent leur carrière. On peut citer par exemple Marcel Proust, André Malraux ou encore Simone de Beauvoir. Même s'il faut souligner que l'Académie est passée à côté de certaines plumes. André Gide, Jean-Paul Sartre et Françoise Sagan sont tous des perdants malheureux du prix Goncourt.
