L'année 2024 marque un moment décisif avec l'accession de Nga Wai hono i te po Paki, fille du défunt roi Tuheitia Pootatau Te Wherowhero VII, à la tête du peuple maori. À seulement 27 ans, elle devient la deuxième femme à assumer ce rôle, succédant à son père après 18 ans de règne. Cette nomination marque une rupture avec les traditions pour la communauté indigène, en mettant fin avec la succession masculine habituelle.
Une rupture avec les traditions de succession
En Nouvelle-Zélande, bien que le pays soit une monarchie constitutionnelle sous l'autorité de Charles III, une seconde forme de royauté existe chez les Maoris. Cette institution, profondément ancrée dans leur culture indigène, perdure en tant que symbole d'identité et de cohésion pour le peuple. La récente nomination de Nga Wai hono i te po Paki symbolise une fracture avec les pratiques, marquant l'arrivée d'un leadership féminin dans une période de changements sociaux et culturels.
Acclamée lors d'une cérémonie sur l'île du Nord, la jeune reine fraîchement nommée a été conduite sur son trône par un groupe d'hommes tatoués et torse nu, brandissant des lances rituelles. Un chœur de femmes vêtues de noir chantait en son honneur. Couronnée de feuilles et portant un collier en os de baleine, elle s'est assise à côté du cercueil de son père, entourée de prières et de chants traditionnels. En 2016, elle avait marqué l'anniversaire du couronnement de son père par un tatouage sur le menton, symbolisant son attachement à ses racines culturelles.
Formée à la langue maorie et au droit coutumier à l'Université de Waikato, cette souveraine a également enseigné les arts culturels de son peuple. Ces compétences font d'elle une figure unificatrice et une protectrice essentielle des traditions maories. Cette communauté représente environ 17 % de la population néo-zélandaise, soit environ 900 000 personnes.
Un héritage familial et spirituel
La reine Nga Wai hono i te po Paki succède à son père, Tuheitia Pootatau Te Wherowhero VII, décédé en 2024 à l'âge de 69 ans. Couronné en 2006, il a régné pendant 18 ans avant sa mort. L'inhumation s'est déroulée lors d'une cérémonie émouvante. Le cercueil du roi a été transporté sur une pirogue traditionnelle, appelée waka, descendant le fleuve Waikato. Il a ensuite été conduit à la montagne sacrée de Taupiri, où reposent les anciens monarques maoris. Des rugbymen, jouant le rôle de porteurs, ont ensuite gravi les pentes abruptes pour l'accompagner jusqu'au sommet.
La nouvelle monarque perpétue également l'héritage de sa grand-mère, Te Arikinui Dame Te Atairangikaahu, qui a régné pendant quatre décennies avant son décès en 2006. Ce lien familial avec la royauté maorie renforce la continuité entre les générations, tout en lui permettant d'apporter sa propre vision en tant que jeune femme leader.
Le rôle symbolique dans la société moderne
La Nouvelle-Zélande est sous le règne du roi d'Angleterre et le rôle des dirigeants maoris est purement symbolique, sans aucun statut juridique. Cependant, cette organisation incarne une expression puissante d'unité et d'identité pour le peuple maori.
Le Kiingitanga, mouvement royal maori fondé en 1858, visait à unifier les différentes tribus sous un seul souverain pour protéger leurs droits face à la colonisation. L'arrivée des Européens en Nouvelle-Zélande en 1642 a déclenché des bouleversements majeurs pour les Maoris, notamment en matière de terres et de souveraineté. Ce mouvement a été créé comme une réponse pour préserver l'unité et les droits du peuple maori dans ce contexte de domination coloniale.
Depuis la signature du traité de Waitangi en 1840, des tensions récurrentes ont marqué les relations entre les colons britanniques et les Maoris. Ces conflits ont principalement porté sur la question des terres et la reconnaissance des droits des peuples indigènes. Ce pacte, bien qu'étant un document fondateur de la nation, a souvent été source de conflits en raison de son interprétation et de sa mise en œuvre.
Cette royauté, avec Nga Wai hono i te po Paki à sa tête, pourrait jouer un rôle déterminant dans la réconciliation entre les différentes communautés et la promotion des droits maoris.
Une institution face aux défis contemporains
L'un des principaux enjeux sera de concilier les traditions maories avec les réalités contemporaines, notamment en matière d'environnement et de préservation des terres sacrées. La pression exercée sur les ressources naturelles de la Nouvelle-Zélande en raison de la mondialisation et du développement économique met en danger les droits fonciers maoris, une problématique à laquelle elle devra prêter attention.
De plus, la jeunesse et l'ouverture d'esprit de Nga Wai hono i te po Paki pourraient attirer une nouvelle génération de Maoris vers la monarchie. La souveraine devra incarner une figure unificatrice pour son peuple. De plus, elle représentera un modèle inspirant pour les jeunes, notamment les femmes, dans un pays où les rôles de pouvoir sont traditionnellement occupés par des hommes.
Un avenir incertain pour cette autorité ancestrale
Alors que la monarchie maorie n'a pas de pouvoir politique direct, son rôle dans la société néo-zélandaise est essentiel pour la préservation des traditions et des droits des Maoris. Avec la montée en puissance des mouvements indigènes à travers le monde, la nouvelle reine pourrait devenir une figure-clé dans la défense des droits autochtones, tant sur le plan national qu'international.
Cependant, le futur de cette royauté dépendra en grande partie de la capacité de Nga Wai hono i te po Paki à s'adapter aux défis du XXIe siècle, tout en préservant les valeurs ancestrales de son peuple. Son règne pourrait permettre de renforcer les liens entre les Maoris et le reste de la population néo-zélandaise. Cela favoriserait un dialogue sur des enjeux tels que la justice sociale, la protection de l'environnement et les droits autochtones.
La nomination de cette figure féminine des Maoris marque un tournant dans l'histoire de ce règne indigène. En tant que jeune dirigeante, elle incarne la continuité des traditions de son peuple tout en symbolisant un renouveau générationnel. Ce rôle apporte l'espoir d'une institution mieux alignée sur les réalités contemporaines, tout en respectant l'héritage ancestral.