Le cognac Louis XIII est loin d'être un spiritueux comme les autres. Si, en soi, le cognac est déjà un savant mélange de plusieurs eaux-de-vie de vins de différents âges, le Louis XIII, lui, pousse l'exclusivité jusqu'à n'être composé qu'avec de prestigieux et très vieux crus de la région de Cognac. Le nombre d'eaux-de-vie utilisées pour assembler une seule carafe peut alors atteindre les 1 200. Un culte de la perfection aujourd'hui très tenace, mais qui l'était dès la création de ce monument du luxe.
Un cognac remarquable né il y a 150 ans
Créer le Louis XIII a été l'idée de Paul-Émile Rémy Martin, alors à la tête de la Maison Rémy Martin. Cette société, aujourd'hui dans l'escarcelle du groupe Rémy Cointreau, est une fabrique de cognac ouverte en 1724 et qui, à l'origine, était une maison de négoce en eaux-de-vie charentaises, l'autre appellation du cognac.
Paul-Émile Rémy Martin était l'arrière-arrière-petit-fils de Rémy Martin premier du nom, le fondateur de la maison. En 1874, alors que son entreprise s'apprêtait à fêter ses 150 ans d'existence, le dirigeant eut l'idée de célébrer cet anniversaire comme il se doit en élaborant le meilleur des cognacs jamais assemblé. Il n'hésite alors pas à puiser dans la collection d'eaux-de-vie que sa famille, par tradition, conservait depuis plus de 50 ans dans des tonneaux de bois. Un véritable trésor. Ainsi naquit le Louis XIII, un chef-d'œuvre nommé en hommage au roi Louis XIII le Juste, car, dit-on, ce fut sous son règne que la famille de Rémy Martin s'est établie à Cognac. D'autres soutiennent toutefois que ce cognac a ainsi été nommé en hommage au bon roi dont les édits avaient permis l'essor du commerce d'eaux-de-vie sous son règne.
Aujourd'hui, la maison Rémy Martin est l'une des plus grandes et prestigieuses maisons de cognac, réputée pour ne travailler qu'avec des eaux-de-vie dites de Grande Champagne (les plus fines de la région de Cognac) et de Petite Champagne (les deuxièmes en finesse). Les crus sélectionnés pour assembler le cognac Louis XIII sont choisis avec soin parmi les meilleurs terroirs de Cognac et tous ont été vieillis entre 40 et 100 ans dans des tierçons, des fûts de chêne de 560 litres, eux-mêmes centenaires, voire plusieurs fois centenaires. Cette intransigeance envers l'excellence garantit au Louis XIII des qualités organoleptiques inégalées, avec des arômes riches aux élans de miel et une palette aromatique complexe qui évolue au fil de la dégustation.
Enfin, toute cette matière première serait évidemment gâchée sans les meilleures compétences pour l'exploiter. Voilà pourquoi le travail d'assemblage repose sur des siècles de connaissances transmises de maître de chai à maître de chai dans la maison Rémy Martin. Depuis 2014, le dépositaire des inestimables secrets du Louis XIII est Baptiste Loiseau, septième maître de chai de la maison et accessoirement le plus jeune de tous à sa prise de poste (34 ans).
Plus qu'une carafe, une œuvre d'art
Outre la patience déployée pour fabriquer le cognac Louis XIII, ainsi que la qualité gustative qui, forcément, en découle, la particularité de ce remarquable nectar réside dans le contenant tout aussi remarquable qui l'accueille. Hors de question qu'un alcool tutoyant la perfection soit présenté dans un récipient quelconque, aussi, dès sa conception, Paul-Émile Rémy Martin voulut l'embouteiller dans une relique de 300 ans pour marquer son exceptionnalité. Il s'agit d'une gourde en fer blanc qu'il avait acquise en 1850 et que l'on disait avoir été retrouvée sur le site d'une des nombreuses batailles de la Troisième guerre de religion, la Bataille de Jarnac de 1569. Un caractère unique et historique qui colle bien avec son cognac. Il en fit donc des copies en verre, ce qui donna les fameuses carafes aujourd'hui reconnaissables entre mille.
Dans son format classique, la bouteille de Louis XIII fait 70 cl. Elle a une forme ovoïde, un peu empâtée et plate comme une flasque. Chaque côté de la bouteille est hérissée d'exactement 10 ergots, tandis que chaque face est décorée avec 4 lys, symbole de la royauté française. Les bouteilles de Louis XIII sont en cristal et sont fabriquées à la main. Elles sont soufflées par des maîtres cristalliers européens puis décorées, toujours à la main, de feuilles d'or 20 carats à l'encolure ainsi qu'à d'autres endroits stratégiques selon les bouteilles. Évidemment, les cabochons des carafes ne dérogent pas à la règle et sont également confectionnés avec minutie et savoir-faire. Particulièrement imposants, ils sont aussi en cristal poli, façonnés à l'image d'une magnifique fleur de lys. Véritables pièces d'orfèvrerie, les carafes Louis XIII sont des pièces de haut artisanat et il n'en existe jamais deux pareils. Pour bien marquer ce fait d'ailleurs, chaque bouteille est frappée d'un numéro de série propre, ce qui en fait un objet de collection à part entière.
Les carafes de Louis XIII existent en plusieurs formats, depuis la Miniature de 5 cl au monumental Mathusalem de 6 litres, en passant par le Magnum (1,5 litre) et le Jeroboam (3 litres). En complément, depuis 2022, le Louis XIII est également commercialisé dans un étonnant format, une mini flasque de 1 cl, dépourvue d'ergot et baptisée "The Drop".
Un cognac prestigieux qui vaut son pesant d'or
Une carafe classique de Louis XIII se négocie autour de 3 500 euros, tandis que pour acquérir un Mathusalem, il faudra débourser aux environs de 80 000 euros. Une coquette somme qui n'est cependant rien comparé à certaines éditions limitées éditées à diverses occasions par la maison Rémy Martin à l'image de "L'Odyssée d'un Roi". Bien plus qu'une simple réédition du Louis XIII, "L'Odyssée d'un Roi" est une collaboration de tous les superlatifs entre la maison Rémy Martin et plusieurs maisons de luxe. En 2016, elle s'est vendue aux enchères à plus de 120 000 euros lors de plusieurs événements mondiaux organisés par la société.
Proposé dans un format classique de 70 cl, "L'Odyssée du Roi" est uniquement assemblé avec des crus Grande Champagne âgés de 40 ans au minimum, ce qui lui confère une finesse hors du commun. Cette édition limitée est ensuite vendue dans une malle à l'ancienne qui lui sert d'écrin, un objet fastueux confectionné à la main et en cuir de veau signé Hermès. La carafe, ornée d'une ancienne carte des Amériques gravée à même le cristal, a été soufflée par les Cristalleries de Saint-Louis, la plus ancienne cristallerie de France et du monde, tandis que la maison d'orfèvrerie Puiforcat, spécialisée dans les arts de la table et l'art de vivre, a fourni une pipette en or blanc permettant de servir le précieux liquide sans en perdre une goutte. Deux verres en cristal, enfin, viennent compléter ce set somptueux dont la confection aura tout de même nécessité, en tout et pour tout, plus de 1 000 heures de travail. Un concentré de luxe, véritable porte-drapeau du savoir-faire français, qui a de quoi justifier un prix estimé à 500 000 euros en 2024.
Dégustation du cognac Louis XIII : une expérience à part
Inutile de dire que le cognac Louis XIII est un nectar qui se savoure. Idéalement, il est recommandé de l'apprécier dans un verre tulipe, à température ambiante, afin d'en apprécier pleinement la richesse des arômes au nez. Dès son ouverture déjà, la carafe libère des effluves riches et complexes dignes des grands parfums iconiques. Les effluences sucrées de fruits mûrs, comme la figue et la prune, s'y entremêlent avec celles de fruits secs, tandis que de subtiles notes épicées et boisées achèvent de rappeler l'odeur des vignobles ensoleillés de la région de Cognac.
À la première lippée ensuite, c'est une véritable symphonie aromatique qui s'ouvre à nos sens. Des nuances florales de jasmin et de chèvrefeuille remontent vers le nez, complétées par d'étonnantes touches de rose séchée. Des notes plus profondes de cuir, de tabac blond et de boîte à cigares apparaissent également, des caractéristiques que les eaux-de-vie de vins composant le Louis XIII ont mis plusieurs dizaines d'années à développer dans leurs fûts de chêne. Au-delà de cette marque du passage du temps enfin, une touche épicée vient couronner l'ensemble avec des accents de cannelle et de muscade, adoucis par le sucré de fruits confits aux tonalités de datte.
En bouche, le cognac Louis XIII révèle une texture langoureuse et une longueur exceptionnelle. Certains perçoivent alors la saveur sucrée et corsée du miel associée à celle des noix. D'autres y voient émerger un goût de champignons entouré de safran. Mais tous sont d'accord : certaines notes de ce fabuleux cognac s'attardent en bouche bien longtemps après sa dégustation, y persistant en échos de bois précieux et de myrrhe qui viennent compléter son profil complexe et riche. Assurément, déguster un Louis XIII est une expérience qui ouvre autant les sens que les perspectives, comme l'on pouvait s'y attendre de la part d'un alcool vieilli et façonné par des siècles de savoir-faire.
