La B/1M, imaginée par la jeune marque Toledano & Chan, illustre parfaitement la manière dont l'horlogerie peut dépasser sa fonction utilitaire pour devenir un symbole plein de sens. En combinant un matériau rare et une esthétique audacieuse, cette montre offre une expérience unique : se promener avec un million d'années accroché à son poignet.
Une collaboration née à distance
La marque Toledano & Chan, créée en 2021, est le fruit de la rencontre fortuite entre Phil Toledano, artiste conceptuel new-yorkais, et Alfred Chan, designer horloger basé à Hong Kong. Les deux créatifs, passionnés par le brutalisme, se sont croisés sur le réseau social Instagram et ont tout de suite accroché. Tous deux étant amateurs de montres et passionnés de brutalisme – un style architectural brut se démarquant par des formes massives et anguleuses sans fioritures –, ils ont commencé par collaborer sur un modèle rendant hommage à leurs sources d'inspiration : la B/1.
La B/1, mise en vente en mai 2024, est une montre mécanique toute en géométrie dont le boîtier, asymétrique, s'inspire des fenêtres insolites du mythique immeuble new-yorkais Breuer Building. Quant à sa forme vintage, la B/1 la doit à la Rolex King Midas, une montre apparue pour la première fois au catalogue du célèbre horloger en 1962.
Le plus intéressant est que Phil Toledano et Alfred Chan ont réussi à sortir leur montre sans se rencontrer une seule fois ailleurs que sur Internet. Un parti pris qui faisait partie intégrante de leur démarche artistique, mais qui, apparemment, n'était pas encore suffisant. Pour aller plus loin, l'idée leur vint de fabriquer une montre météorite.
Un matériau venu des confins du temps et de l'espace
La B/1M reprend, dans les grandes lignes, le design de sa grande sœur, à ceci près que son cadran, son boîtier ainsi que ses cornes ne sont plus en acier inoxydable comme ceux de son aînée, mais en météorite (le "M" étant pour "Meteorite"). Plus précisément, les deux créateurs ont pu mettre la main sur des échantillons de Muonionalusta, une météorite retrouvée dans la toundra arctique suédoise il y a presque 120 ans, en 1906, et dont on a trouvé, jusqu'ici, une quarantaine de fragments de diverses tailles.
Muonionalusta est, à ce jour, la plus ancienne météorite connue, s'étant écrasée sur Terre il y a environ 1 million d'années. L'objet céleste est ainsi un véritable morceau d'Histoire qui a vu passer les 4 périodes glaciaires qu'a traversées notre planète dans sa longue vie. Un matériau parfait pour une allégorie lourde de sens sur le poids du temps qui passe et la beauté de l'instant présent. La B/1M souligne ainsi à la perfection la volonté de ses créateurs de présenter une œuvre qui se sublime en devenant une mise en abyme que l'on porte, en plus, à son poignet.
Une montre au design brut et brutal
Si la B/1 poussait la porte du brutalisme, la B/1M finit de l'enfoncer grâce à Muonionalusta. La météorite, ferreuse et grise, présente en effet un aspect des plus primitifs à la découpe, des dessins que l'on appelle "structures de Thompson", ou encore "figures de Widmanstaetten". Ce sont de petits sillons longilignes visibles à l'œil nu, courant dans tous les sens pour former des arabesques scintillantes du plus bel effet.
Pour accompagner le boîtier, les bracelets ont été confectionnés en cuir d'autruche à gros grains (issu du pied de l'animal) dont les motifs feraient presque penser à du cuir de T-Rex. Tout en nuance de gris, ces bracelets soulignent la rudesse de la météorite et mettent l'accent sur un minimalisme presque cubique, exacerbé par l'absence de chiffres et d'index.
La B/1M de Toledano & Chan est animée par un mouvement automatique suisse produit par Sellita, la SW100, ayant une réserve de marche annoncée de 42 heures. La montre fait 33,5 mm de large et mesure 35,8 mm d'une patte à l'autre, le tout pour une épaisseur de 10,4 mm. Fait assez rare pour être mentionné, sa couronne est positionnée à gauche, une caractéristique généralement réservée aux montres pour gauchers.
Inutile de le préciser, la B/1M est une montre solide avec son cadran protégé par un verre saphir. En outre, en raison de sa forte teneur en fer, un revêtement antirouille a été appliqué pour garantir la longévité de la montre.
Une pièce unique et convoitée
À la manière de Rolls-Royce et de sa Phantom Goldfinger qui embarque un lingot d'or à son bord, Toledano & Chan a réussi à créer de l'engouement avec sa montre en météorite. Le fabricant n'a également produit qu'un seul exemplaire de sa B/1M, une façon de jouer la carte de l'exclusivité sans concession, comme si le fait de porter une météorite vieille d'un million d'années n'était pas suffisant.
La B/1M a été présentée en décembre 2024 lors d'une vente aux enchères réservée aux collectionneurs à New York. Initialement estimée entre 8 000 et 16 000 dollars (approximativement 7 000 et 14 000 euros), elle a finalement été adjugée à 35 560 dollars, soit environ 31 300 euros. Le montant est loin d'être un record, surtout quand on sait qu'une montre Philippe Dufour en or blanc a trouvé acquéreur pour 3 690 000 dollars (environ 3,2 millions d'euros) durant l'événement. Il prouve toutefois l'enthousiasme que la montre insolite a su produire.
Face à ce succès, Toledano & Chan a annoncé son intention de produire une série limitée de la B/1M dès 2025. Chaque pièce sera numérotée et sera même unique en raison des variations naturelles des motifs de la météorite. Pour la petite histoire, leur première montre n'a, elle aussi, été produite qu'en petite quantité. Les 175 exemplaires n'ont alors tenu que 45 petites minutes avant la rupture de stock, malgré un prix de vente affiché de 4 000 dollars, soit 3 500 euros.
