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Récupérer du caviar sans tuer de poisson, c'est possible !

Luxe peut très bien rimer avec éthique et écologie, la preuve avec la filière caviar qui, petit à petit, tend vers une vraie révolution dans sa manière même de fonctionner : récolter les œufs d'esturgeons sans tuer l'animal.

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Récupérer du caviar sans tuer de poisson, c'est possible !

Mets glamour par excellence, ingrédient noble élevé aux plus hauts sommets de la gastronomie, le caviar est surtout un aliment qui se mérite. Sa production est un vrai casse-tête et sa fabrication, un nœud gordien résolu par la mise à mort pure et simple du poisson qui en est à l'origine. Une aberration écologique, mais aussi économique que beaucoup tentent aujourd'hui de résoudre.

L'esturgeon, une espèce protégée

Chacun le sait, le caviar n'est ni plus ni moins que des œufs d'esturgeon maturés et conditionnés. C'est pour cela que ce poisson préhistorique, apparu il y a 200 millions d'années, a longtemps été pêché et braconné jusqu'à frôler l'extinction. Aujourd'hui, les 27 espèces d'esturgeons connues (dont 14 exploitables) sont protégées et la Cites (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction) a imposé de nombreuses mesures restrictives pour leur sauvegarde.

Finalement, la seule manière de produire du caviar est donc d'élever des esturgeons, une affaire très complexe et périlleuse qui demande, en outre, une patience monacale.

La complexité de l'élevage d'esturgeons

L'esturgeon est loin d'être un poisson facile à élever : qualité de l'eau, température, taux d'oxygénation, taille des bassins, nourriture, tout est dimensionné sur-mesure et à surveiller en permanence. Viennent ensuite les compétences techniques ainsi que le matériel spécifique à posséder, puis le facteur temps, affreusement incompressible.

Une femelle esturgeon a en effet besoin de 7 à 12 ans avant d'être sexuellement mature, autrement dit, avant d'être capable de porter des œufs. Durant ce laps de temps, le moindre faux pas peut briser des années de labeur, aussi les éleveurs mettent-ils un point d'honneur à chouchouter les femelles. Et pourtant, malgré toute la patience déployée et la minutie apportée à leur rendre l'existence la plus douce possible, elles finiront toutes éventrées au moment d'extraire leurs œufs. Drôle d'épilogue à tant d'efforts et d'investissement. À moins que…

esturgeon

Des méthodes plus éthiques et plus sensées

Beaucoup se sont déjà insurgés face à l'apparente absurdité de la production de caviar. Outre l'énorme gâchis économique qu'elle engendre, la souffrance de ces animaux sacrifiés sur l'autel du luxe révolte tout autant, surtout en sachant qu'un esturgeon peut vivre jusqu'à 50, voire 100 ans !

Éleveurs et chercheurs se sont ainsi penchés sur la question et ont développé diverses manières de préserver la vie de l'esturgeon sans pour autant compromettre la production du caviar. En Grande-Bretagne par exemple, un éleveur a eu l'idée d'accompagner la ponte des femelles gravides. Il commence par les sélectionner selon la dureté de leur ventre. Si et seulement si ce dernier est mou et après avoir fait passer toute une série d'examens pointus à l'animal, l'éleveur lui masse le ventre, provoquant alors la libération naturelle des œufs. Un geste de patience à ajouter à la longue liste des précautions qu'il faut déjà prendre pour élever l'animal et qu'il faudra répéter autant de fois que nécessaire pour libérer de quoi satisfaire les commandes.

Dans l'Hérault, un autre éleveur a cette fois-ci dégainé le scalpel. Sa méthode ? Opérer une "césarienne" sur le poisson, non sans l'avoir préalablement endormi. Évidemment, hors de question ici d'utiliser des produits anesthésiants, tout se fait de manière naturelle dans le souci de préserver le futur produit. L'esturgeon est ainsi simplement plongé dans une eau très froide qui va l'étourdir. Son ventre est ensuite minutieusement incisé afin de le libérer de ses inestimables œufs, puis recousu. Il "suffit" ensuite d'environ 2 mois pour que l'incision soit résorbée et que la femelle puisse de nouveau commencer un autre cycle.

Au-delà d'être indéniablement plus respectueuses de l'animal, surtout quand on sait qu'il s'agit d'un poisson en danger d'extinction, ces méthodes douces de récolte permettent de mieux pérenniser l'industrie du caviar. Non content de vivre longtemps en effet, une femelle esturgeon peut donner des œufs tous les deux ans. De quoi produire quantité de délicieuses perles noires.

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