Le foie gras a ses inconditionnels, qui ne manquent pas une occasion d'en déguster sous toutes ses formes : entier, frais, mi-cuit, en tournedos Rossini... Rien n'est trop beau pour ce mets de fêtes, populaire bien au-delà des frontières de l'Hexagone. Cependant, les polémiques qui entourent la production du produit entachent sa dégustation et prennent plus d'ampleur chaque année. En réaction à cela, une entreprise française de la food tech propose une approche novatrice, avec un procédé de culture cellulaire qui évite le gavage. Pour quel résultat ?
Gourmey, l'entreprise qui veut produire du foie gras éthique
La start-up française Gourmey a vu le jour en 2019, dans le secteur de la technologie alimentaire. Son idée est de proposer une production de viande de volaille plus respectueuse de l'environnement et des animaux. Pour attaquer le marché et se faire un nom, elle a choisi comme premier produit le foie gras.
En misant sur une production de cellules de canards ou de poulets en laboratoire, l'entreprise contourne les problèmes inhérents au gavage et promet de créer un foie gras éthique, à consommer sans scrupules. Cette solution présente un autre intérêt majeur, qui va au-delà de la problématique écologique et de la cause animale : elle pourrait permettre de compenser une production de foie gras en baisse, du fait des ravages causés par la grippe aviaire chez les producteurs français.
Après une première levée de fonds de 10 millions d'euros en 2021, l'entreprise française a récolté 48 millions d'euros supplémentaires pour industrialiser la production de sa viande de synthèse. De quoi s'entourer d'experts en biologie et en agronomie pour peaufiner cette alternative au foie gras traditionnel et la mettre sur le marché rapidement.
Sur quel procédé repose cette culture ?
Présenté comme un foie gras de culture, le produit de Gourmey répond à un processus assez simple à comprendre. Des cellules sont prélevées sur des œufs fécondés, puis placées dans des cuves de grandes tailles, où elles sont nourries des bons nutriments essentiels à leur développement. On reproduit l'effet du gavage, mais de manière synthétique, et les cellules peuvent ainsi se multiplier en vue d'être assemblées pour former ce foie gras éthique.
Un foie gras cru
Le prototype présenté semble avoir su convaincre certains chefs cuisiniers de s'associer avec l'entreprise, en vue de développer des recettes innovantes, utilisant ce foie gras d'un nouveau genre.
La marque affirme vouloir « marier tradition et innovation », en ré-imaginant la viande dans sa forme, sa création et dans les ressources nécessaires à sa production, sans toucher à son goût. Le produit final devrait présenter les mêmes qualités gustatives que le vrai foie gras, pour séduire une clientèle haut de gamme, soucieuse de bien manger tout en respectant la planète.
Où trouver ce foie gras d'un nouveau genre ?
En France, la viande de synthèse n'est pas autorisée et le Premier ministre Gabriel Attal déclarait récemment qu'elle « ne correspond pas à notre conception de l'alimentation à la française ». Le gouvernement français appelle à une réglementaire claire, européenne, visant à encadrer sa production et sa vente. Pour l'instant, seule l'Italie a pris position en interdisant la production et la commercialisation de viande in vitro.
Dès lors, vers quels marchés peut se tourner l'entreprise Gourmey ? Les États-Unis, d'où proviennent les substituts de viandes les plus répandus, et Singapour, qui adoptent tous deux une législation plus souple vis-à-vis de cette forme de viande, dont les effets sur la santé de l'Homme restent inconnus. C'est la raison pour laquelle le slogan actuel « Voilà, Foie gras » semble bien plus vendeur à l'étranger que dans nos contrées !
La start-up, avec son "faux gras" (comme on désigne certains produits dérivés du foie gras, qui ne peuvent pas obtenir l'appellation officielle), devra donc scruter l'évolution de la législation pour espérer proposer son produit en Europe. En attendant, elle pourrait le peaufiner et peut-être même faire changer d'avis les plus réticents. Les gourmets, quant à eux, continueront de fabriquer leur propre foie gras, dans le respect des traditions culinaires.
