Défendre la gastronomie française, chercher de bonnes adresses pour déguster les meilleurs plats locaux et partager un repas entre amis est un véritable sport national, auquel s'adonnent bien des gourmets au sein de l'Hexagone. Le Club des Cent est une confrérie d'initiés qui font tout cela, et bien plus encore, depuis plus de cent ans. Un cercle élitiste qui ne vise que les plaisirs de la chère, en arpentant les plus belles tables de France.
Le plus influent des clubs gastronomique
Si de nos jours, il suffit de quelques clics sur le net ou de consulter les pages d'un guide, pour les plus traditionnels, dans le but de dégoter un bon restaurant, il fut une époque où dénicher les bonnes adresses n'était pas si simple. Les voyageurs, lancés sur les routes de France, n'avaient d'autres choix que de se fier à leur instinct pour choisir l'établissement dans lequel ils déjeuneraient ou dîneraient.
Pour un fin gastronome, le risque d'être déçu était élevé et c'est ce qui poussa Louis Forest à créer le Club des Cent en 1912. Ce passionné d'automobile (également journaliste, romancier, dramaturge et homme politique) souhaitait connaître les meilleures adresses où se restaurer lors de ses escapades en voiture à travers le pays. Il décide alors de convier d'autres férus de tourisme automobile – un luxe à l'époque – pour créer une association de fins gourmets qui acceptent de partager leurs bonnes tables, au sein d'un guide réservé aux membres. Une idée qui inspirera d'ailleurs le Guide Michelin, apparu à la même époque.
Ce club de prestige ne compte que cent membres, d'où son nom, et uniquement des hommes, depuis un vote qui officialise en 1928 cette règle d'exclusion des femmes, tacite jusque-là. Parmi les raisons évoquées, leur parfum qui pourrait altérer les saveurs des plats, leurs courbes et leur tendance à bavarder qui pourraient détourner l'attention des membres… ! Elles peuvent toutefois s'attabler avec leurs époux à l'occasion d'un gala annuel.
Ces 100 membres sont appelés Centistes, et des stagiaires, parrainés, s'ajoutent à ce groupe (portant le total à 150), en attendant qu'une place se libère pour siéger à la table en tant que membre à part entière. Mais que défendent-ils, au juste ?
L'objectif du Club des Cent
Si l'on se fie aux statuts de l'association, le Club des Cent a pour objectif de « favoriser le développement, en France, de bons hôtels, de bonnes auberges, des bons garages ». Son fondateur va même plus loin, en expliquant, entre autres, vouloir « soutenir les vieilles traditions de la cuisine française » et « répandre partout les produits de notre sol ». Il va même jusqu'à préciser que la cuisine est un art incomparable auquel la science et surtout la chimie ne saurait rien apporter. On note donc une forte hostilité envers la cuisine moléculaire ou le foie gras de synthèse, qui ne respectent en rien les valeurs traditionnelles de cette haute gastronomie française.
Les gourmets qui forment le Club des Cent ne prônent pas le luxe, mais les tables traditionnelles, la cuisine avec des aliments frais, les sauces préparées avec soin et le bon café, valeur sûre dans les bons établissements.
L'idée de départ est bien de rappeler que le tourisme en France et la cuisine régionale sont indissociables, et que le second élément peut servir le premier. Un but noble, porté par un patriotisme fort, qui fait de ce club l'un des plus influents du secteur.
Comment devenir membre du Club des Cent ?
Pour entrer au Club des Cent, il faut respecter plusieurs conditions : ne pas avoir plus de 65 ans, être parrainé par deux membres actifs et passer un examen gastronomique et œnologique.
Face à dix-huit membres qui font office de jury, le candidat doit répondre à des questions pointues sur la préparation de certaines recettes phares de la tradition culinaire hexagonale, sur les mets spécifiques à chaque région, il doit maîtriser le lexique de la cuisine française et bien entendu avoir des connaissances poussées en vin.
Parmi les membres récents de ce club très fermé, on peut citer de grands patrons comme Martin Bouygues, Eric de Rothschild ou Alexandre Arnault (du Groupe LVMH), le journaliste Philippe Bouvard, le comédien Pierre Arditi, les lettrés Erik Orsenna et Bernard Pivot, ou encore le chef Alain Ducasse.
Règles et obligations des membres
Tous les jeudis, les membres du club doivent se réunir pour un déjeuner, entre 13h40 et 14h30, autour d'une table choisie par l'un d'eux. Ce membre est alors désigné par le terme de brigadier et il doit s'occuper du menu et des vins. À l'issue du repas, il arrive que les membres décernent un diplôme, très recherché, au chef de l'établissement.
Chaque membre doit cotiser annuellement et faire preuve d'assiduité, sous peine d'être exclu, comme ce fut le cas pour l'acteur Christian Clavier. Et chaque année, les membres font un voyage, parfois hors des frontières françaises, pour une réunion à laquelle les femmes sont conviées.
On pourrait imaginer que les discussions à table tournent autour de sujets d'actualité brûlants et d'affaires publiques, mais, selon les dires de certains, les membres laisseraient de côté leurs opinions politiques pour profiter simplement des mets qui leur sont présentés. On ne peut que les croire, en attendant de pénétrer peut-être un jour cet illustre club gastronomique.
