Pour choisir une bonne table, on peut se fier à son instinct, écouter les recommandations de ses proches ou suivre les conseils d'un guide gastronomique spécialisé. Il existe deux références dans le domaine – le "Gault et Millau" et le "Guide Michelin" – et c'est sur ce dernier qu'on s'attarde aujourd'hui. Retraçons son histoire, de son invention il y a plus d'un siècle comme guide de voyage à son statut d'incontournable dans l'univers de la grande cuisine actuelle.
Un livret gratuit pour les voyageurs de France
Au tout début du XXe siècle, un nouveau moyen de transport se démocratise : la voiture. Un véhicule encore rare, dans lequel croient pourtant — avec un certain flair — les deux frères André et Édouard Michelin, qui décident de créer un guide publicitaire distribué gratuitement à l'achat de pneus Michelin aux cyclistes et aux automobilistes.
Lancé en 1900, à l'occasion de l'Exposition universelle qui voit également apparaître la tour Eiffel dans le paysage parisien, ce premier guide Michelin se compose d'environ 400 pages publicitaires regroupant des adresses pratiques pour ceux qui décideraient de parcourir les routes de France. On y découvre des plans de villes, des listes de garagistes ou de médecins, des lieux où dénicher un téléphone ou une poste, des informations touristiques, mais pas encore de bonnes tables comme on en trouve déjà au sein du prestigieux mais élitiste Club des Cent.
Cette première édition, déjà parée d'une couverture rouge, est tirée à 35 000 exemplaires et elle remporte un franc succès, ce qui pousse les deux frères à poursuivre l'aventure. Il deviendra payant en 1920, quand André Michelin s'offusque de voir ses guides utilisés pour caler une table chez un distributeur de pneus partenaire, ce qui entraine la disparition de la publicité. C'est à ce moment-là que les bonnes adresses de restaurants et d'hôtels font leur entrée dans le guide, avant la création, en 1926, d'un système d'étoile visant à récompenser les meilleurs établissements.
La référence pour les bonnes tables françaises
En 1931, le guide Michelin ajoute une 2e et une 3e étoile à ses distinctions, pour établir un classement des meilleurs restaurants de France, puis du monde entier, qui fait toujours figure de référence à l'heure actuelle. Le métier d'inspecteur Michelin est créé dans le sillon de ces étoiles et ces experts de la critique culinaire parcourent les routes pour goûter et juger des plats, dénicher des adresses originales, et aider les gourmets à choisir leur prochain restaurant. Au point d'inspirer le personnage principal du film "L'aile ou la cuisse" de Claude Zidi, incarné par Louis de Funès en critique gastronomique, obligé de se déguiser pour tester des tables parfois douteuses.
Depuis, le guide Michelin jouit d'une influence majeure dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, ce qui ne se fait pas sans controverses. Certains professionnels du milieu l'accusent de coup d'éclat à visées purement commerciales, comme le retrait de la troisième étoile du restaurant "Paul Bocuse" en 2020, qui sonna comme un coup de tonnerre pour la gastronomie lyonnaise et l'art culinaire français dans son ensemble. Pire, certains chefs décident tout simplement d'abandonner leurs étoiles, pour se détacher du guide et ne plus avoir à subir la pression qu'amène cette précieuse distinction.
Il n'en reste pas moins un outil pratique et apprécié par les consommateurs, qui apprécient les retours et les bons conseils du guide, dans une version papier qui se fait plus de plus en plus rare – le record de tirage date de la version 2000 avec ses 880 000 exemplaires, avant une chute dû à l'apparition du numérique – et qui aiment trouver dans ses pages des évaluations désormais variées, allant au-delà de la gastronomie.
De la gastronomie et bien plus encore
Le guide Michelin a su évoluer avec son temps, affrontant une concurrence toujours plus féroce qui l'oblige à se mesurer à des blogueurs s'arrogeant le droit de noter les restaurants, à des guides édités par des indépendants et à des avis en ligne sur les restos devenus sources d'informations pour bien des voyageurs.
Pour ne pas devenir obsolète, le guide rouge a étoffé sa gamme de récompenses en intégrant notamment le "Bib gourmand", décerné aux restaurants offrant un excellent rapport qualité/prix, une étoile verte pour les établissements éco-responsables, ainsi que des prix spéciaux attribués, depuis 2019, à des sommeliers méritants, de jeunes chefs ou encore un service d'accueil irréprochable. Tout cela en marge des prestigieuses Clefs Michelin qui récompensent les meilleurs hôtels du monde.
Les éditions du guide Michelin gastronomique sont à présent internationales, avec une édition française qui côtoie des guides rouges pour l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne et divers pays d'Asie. On peut aussi acquérir les guides verts destinés aux touristes, pour visiter Rome, New-York ou encore le Portugal, en profitant d'une expertise plus que centenaire.